Elle est partie.
Garder dans sa mémoire des petits souvenirs pleins de sens.
Pour pouvoir plus tard se les remémorer et les partager.
Elle avait 86 ans… Cela faisait des années qu’elle disait vouloir mourir et avoir tout pour le faire. Elle m’expliquait souvent qu’elle restait pour mon grand-père: « Tu comprends il perd la tête, tout seul, il ne s’en sortira pas ». Je les imaginais donc un jour, se donner calmement la mort comme elle le souhaitait. Mais mon grand-père, lui, ne voulait pas mourir, il aimait bien la vie. Sa mémoire à court terme le lâchait un peu plus chaque jour, laissant une place grandissante à cette maladie qu’est Alzheimer. Ils continuaient donc de vivoter, dans une routine simple pour mon grand-père.
Et puis tout s’est accéléré cet été. Alzheimer a rattrapé mon grand-père a une vitesse impressionnante et ma grand-mère a eu quelques soucis de santé. Ils ont donc été séparés pour être accompagnés au mieux chacun de leur côté. Il y a eu des hauts et des bas.
Il y a un mois, j’ai pu aller présenter Misha a mes grands-parents. C’est quelque chose qui me tenait à coeur et qui avait de l’importance pour moi. J’en avais parlé ici d’ailleurs. Face à mon grand-père, je me suis sentie un peu perdue. Ce vieux homme, avec le regard vide assis sur un fauteuil dans le couloir n’était pas le grand-père que j’avais connu. Je savais qu’il avait changé, on m’avait prévenue, mais ça m’a quand même fait un choc. Je le sentais perdu comme s’il avait besoin d’être apaisé. Nous ne sommes pas restées longtemps, nous avons laissé mon père avec lui, lui tenant la main et lui permettant ainsi de dormir (puisqu’il lutte pour dormir lorsqu’il est seul).
L’après-midi, nous étions allés voir ma grand-mère (dans un autre lieu que celui de mon grand-père). Je crois que cela faisait bien longtemps que je ne l’avais pas vu si bien. Elle était tellement enjouée de rencontrer Misha. Elle s’était pressée de se lever pour lui parler et lui faire des « gouzis-gouzis ». Je ne m’attendais pas à un tel engouement de sa part, cela m’avait vraiment fait plaisir. Cet après-midi là, elle ne se plaignait plus de vouloir mourir et parlait même de « l’été prochain, si je suis encore ici, il me faudra une autre chambre, il fait trop chaud dans celle-ci ».
Elle faisait des projets et demandait aussi à mon père de l’accompagner faire des petites courses. Je crois que je n’avais pas vu ma grand-mère sortir de chez elle (bon, là, elle était en maison de retraite) depuis des années. Lors des courses, elle paraissait bien et contente d’y être, arpentant les allées sans trop de difficultés. Je l’avais vraiment trouvée changée et en forme.
Elle avait pris du temps avec Misha en lui parlant, en disant qu’elle était belle (et pour Misha, il ne lui en faut pas plus pour la faire sourire!)…
J’étais ravie d’avoir pu lui présenter ma fille et d’avoir pu présenter à Misha sa troisième arrière-grand-mère.
Puis les choses se sont accélérées la semaine dernière. Tout a été très vite, ma grand-mère n’allait pu bien et souffrait. Mon père, comme quasiment chaque semaine depuis cet été, était allé la voir mercredi à Tours. Le jeudi matin, ils m’expliquaient que ma grand-mère vivait ses derniers jours et je pense que le soir même, il était plus questions d’heures que de jours. Ils sont donc retournés à Tours le soir-même. Mon père a passé la nuit auprès de sa mère, l’accompagnant au mieux qu’il pouvait dans ses dernières heures, lui donnant la main et lui parlant parfois (il en parle un petit peu ici). Il est rentré se reposer à 5 heures du matin et à 7 heures ma grand-mère partait…
C’est donc en me réveillant vendredi matin que j’ai appris qu’elle était délivrée de ses douleurs. C’est ce qu’il y avait de mieux pour elle je pense, c’est aussi ce qu’elle souhaitait. Elle est partie sereinement nous laissant avec nos souvenirs.
Dans un coin de ma tête et bien présent, je repense à tous ces moments passés avec elle, avec eux. Ces après-midi passés chez eux (j’en parlais sur mon premier blog), à faire des activités manuelles avec mon grand-père ou à regarder des films. Chez nous, nous n’avions pas trop le droit de regarder la télé tandis que ma grand-mère nous enregistrer les Walt Disney qui passaient sur Canal+. J’aimais lui demander de regarder un film et tenter de me mettre d’accord avec mes soeurs présentes pour en choisir un. Je préférais par dessus tout « Mary Poppins » et « Peter et Elliott le dragon ».
Parfois elle restait avec nous regarder le film, confortablement installée dans son fauteuil! Son fauteuil m’attirait toujours, il paraissait confortable et en plus il pouvait pivoter. Mais nous n’avions pas trop le droit de nous assoir dedans, c’était un « fauteuil de grand »!
J’aimais aussi -mais là je vais passer pour une folle- venir la voir lorsqu’elle était dans la cuisine et fumait une cigarette. Elle se mettait près de sa fenêtre ouverte, avec son cendrier et son filtre installé sur sa cigarette. Je crois que c’était la seule personne de la famille que je côtoyais et que je connaissais qui fumait. Je trouve ça super! J’aimais l’odeur de la cigarette lorsqu’elle fumait. Je lui disais toujours « quand je serais grande, je fumerais comme toi ».
Cette phrase dite avec ma naïveté était plutôt flatteuse (enfin, j’avais l’impression), mais elle me grondait en me disant que fumer était vraiment mauvais pour la santé, qu’il ne fallait pas fumer. Mais je n’en démordais pas, quand je serais grande, je fumerais comme elle. J’ai grandi et la cigarette ne m’a, au final, plus du tout attirée (à tel point que je n’en ai jamais fumé une seule!).
Elle passait beaucoup de temps dans sa cuisine -surement parce qu’elle fumait beaucoup, je ne sais plus trop-, avec sa fenêtre ouverte et sa radio. Je l’ai toujours connue souffrant de la chaleur étouffante de son appartement. Sa radio était donc tout le temps allumée, je crois que c’était un truc du style « radio Luxembourg » (mais je ne sais même pas si ça existe, c’est juste un nom qui me revient comme ça). Je n’aimais pas trop puisque c’était des personnes qui parlaient beaucoup!! Dans la cuisine, il y avait un petit plateau avec ses différentes paires de lunettes. Suivant ce qu’elle faisait, elle les changeait. Je trouvais ça marrant et bizarre de devoir toujours changer de lunettes!
Et dans l’entrée de sa cuisine, il y avait le sirop sport au cassis dans sa bouteille en verre. J’aimais lorsqu’elle m’en servait un verre (chez mois, nous n’avions pas de sirop). J’ai aussi le souvenir des bouteilles de Volvic citron qu’elle buvait mais je n’aimais pas ça.
Elle avait aussi des « bonbons de grands » (en tout cas, je percevais ça comme ça) qui me donnaient très envie. C’était des Vichy, ça ressemblait un peu à du plâtre blanc mais avec un bon goût. Il n’y avait que chez elle que l’on en mangeait. Chez mes grands-parents, il y avait aussi les sucettes Pierrot tout en longueur.
Je finirais par deux choses qui représentent vraiment ma grand-mère: il y a le mimosa et les chouettes. Le mimosa était sa fleur préférée, elle adorait son odeur. Lorsque j’étais en vacances à Argelès et que je leur écrivais une carte, j’essayais toujours d’y joindre un petit brin de mimosa. Dès que je vois un mimosa, je pense à elle.
Elle aimait et collectionnait les chouettes. Elle avait deux vitrines remplies de petites chouettes, d’origines diverses et variées. Tout le monde lui en ramenait et lui en offrait. J’aimais les regarder, observer tous les détails de chacune. J’avais aussi envie de les manipuler, mais là, c’était rare et seulement à ses côtés. La chouette est très mode depuis la rentrée sur internet, lorsque j’en vois passer, je pense à elle…
Nous voilà aujourd’hui, mes soeurs et moi avec une grand-mère de moins mais qui est et restera présente dans nos pensées.
A l’heure qu’il est, nous sommes sur la route de Tours pour aller à son incinération. Nous allons nous retrouver, toute la famille réunie (pour une des rares et dernières fois) autour d’un repas partageant des souvenirs mais bien plus que cela aussi…
♥♥♥